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Le Courant

Automne 2004 | 06

Lettre à mon oncle Charles

Heber Cushing

 

No. 514 Cathedral Parkway New York City,
N.Y. Le 28 janvier 1930



M. Charles Cushing
Barnston, Québec Canada

Cher oncle Charles,

Joyeux anniversaire avec nos vœux les plus sincères pour de nombreuses années de bonheur à venir. Tante Emily nous a écrit que vous aurez quatre-vingts ans le 1 février. Sa lettre nous a poussés à vous écrire quelques mots pour vous offrir nos félicitations.

Quelle belle chose que de compléter quatre-vingts années de sa vie et de se retrouver en bonne santé de corps et âme. Durant cette période, les idées de comment vivre et profiter des avantages que la vie nous offre ont beaucoup changé. Je peux vous imaginer revivre, en ce jour, les nombreux changements que vous avez vus. J'imagine aussi que votre grande expérience vous permet jusqu'à un certain point de séparer le bon grain de l'ivraie - ce qui est important de ce qui ne l'est pas.

Mes souvenirs de la vielle ferme à Barnston me ramènent cinquante ans en arrière - presque soixante ! Vous pouvez donc constater que moi aussi je prends de l'âge. Je ne me rappelle pas des événements très clairement et j'ai complètement perdu le fil du temps. Je pense me souvenir d'avoir vu mon grand-père Cushing au moins une fois. Il était sur la véranda de la ferme. C'était probablement l'été parce qu'il portait un chapeau de paille. Je pense que je restais avec ma tante Sophronia à ce moment-là. Ils ne demeuraient pas très loin de l'autre côté du chemin. Directement du côté opposé de la ferme il y avait une ferblanterie. Il me semble qu'un certain Ross la gérait. Du côté opposé de la route, vers la droite, il y avait un petit hôtel ou une taverne où les passants pouvaient prendre un verre, ce qui arrivait souvent. Directement en diagonal, sur l'autre coin, il y avait le magasin général avec bureau de poste. Je n'arrive pas à me souvenir qui était la personne en charge, mais il avait un fils qui trouvait notre cousine Lottie de son goût. Ne le lui dites pas !

Il me semble avoir passé une partie d'un hiver, si non un hiver entier, à la ferme. Lottie poursuivait ses études à l'académie et je l'ai accompagnée à plusieurs reprises après lui avoir promis d'être «un bon garçon» et de me tenir tranquille. La marche était longue mais c'est sûrement parce qu'à l'époque j'avais de toutes petites jambes.

Je me rappelle que je dormais en haut et que je n'aimais pas me réveiller le matin, surtout s'il faisait froid. Probablement que j'étais dur à réveiller. Ma punition lorsque je ne me levais pas à temps était de «préparer mon propre déjeuner». Cela impliquait rôtir une tranche de pain sur la poêle. Pendant que je faisais ça, je croyais parfois discerner quelques expressions d'amusement sur les visages des femmes. Par quelconque moyen, le reste du petit déjeuner apparaissait sur la table comme par magie et j'étais toujours bien nourri.

À l'étage du haut, il y avait aussi une pièce magnifique qu'on appelait le grenier. De grandes merveilles y étaient ! Une grosse pile de lettres encore dans leurs enveloppes originales se trou¬vait au milieu de la pièce. C'était probablement la coutume d'accumuler les lettres dans une boîte ou un panier et, lorsque ceux-ci étaient remplis de les monter en haut dans le grenier et de les vider. Une sorte de système de classement élémentaire! Il va sans dire que s'il fallait se référer à une lettre bien pris soin pendant quelques jours, jusqu'au moment où quelque autre objet ait aiguillonné ma fantaisie. Et c'est comme ça que je passais des heureuses journées.

Ensuite, je suis parti, je ne me souviens pas exactement où ni pourquoi. Je pense être retourné à Barnston seulement une autre fois. Beaucoup de choses avaient changées et aujourd'hui mes souvenirs de cette visite ne sont pas aussi clairs que ceux de ma visite lorsque j'étais petit garçon.

Donc, comme vous pouvez constater, mes premiers souvenirs de ces jours d'enfance continueront à influencer les années à venir.

Pendant de nombreuses années j'ai eu des hauts et des bas.

J'ai épousé Agnes et nous avons eu nos deux chers garçons. Ce n'est que depuis 1900 que j'ai commencé à devancer le côté des biens matériels, mais les dernières trente années nous ont apporté une bonne quantité de santé, bonheur et prospérité. Possiblement plus que je ne mérite. Nos deux garçons sont mariés et chacun d'eux a deux enfants : un garçon et une fille. Ce qui nous a rendus grands-parents à quatre occasions. Wallace, l'aîné, est avec la Packard Motor Car Company à Détroit. Il est vice-président en charge de la distribution et il a bien réussi. Il a eu une carrière intéressante pour un jeune homme et nous espérons que le futur lui réserve l'opportunité de réaliser encore d'autres de ses idéaux et ambitions.

Arthur, notre fils plus jeune, est avec le département d'exportation de la Nash Motors Company à Kenosha, Winsconsin. Lui aussi a bien réussi et a acquis beaucoup d'expérience à travers ses nombreux voyages dans plusieurs pays. Il parle plusieurs langues assez couramment pour lui permettre d'entretenir des échanges, et il parle l'espagnol comme un Espagnol de naissance. Naturellement, nous sommes fiers de nos garçons et de nos petits-enfants. Notre regret est que les circonstances ne nous permettent de les voir aussi souvent que nous aimerions. Mais on ne peut s'attendre à avoir tout ce qu'on désire. Nous essayons d'être reconnaissants pour tous les nombreux bienfaits que nous avons maintenant. Nous sommes conscients du fait que nous ne méritons pas toute la bonne chance dans ce monde et nous n'avons certainement pas toute la mauvaise chance.

Agnes et moi sommes en bonne santé et jouissons beaucoup de ce que la vie nous donne. Nous avons dû déménager à plusieurs reprises pendant que les enfants étaient encore jeunes. Chaque changement a été une précieuse expérience, une occasion de lier des amitiés. Depuis que nous nous sommes plus ou moins libérés des obligations familiales, nous voyageons beaucoup et nous avons visité plusieurs pays étrangers, avons vu d'étranges choses, entendu d'étranges bruits, et senti d'étranges odeurs.

Chaque phase de la vie a amené une certaine mesure de plaisir et de peine. En vieillissant, le plaisir semble devenir plus doux et la peine moins réelle. Je dois m'arrêter. J'ai écrit une lettre remplie de radotages qui ne se rapportent qu'à nous. Je suis certain qu'à ce point vous devez être terriblement ennuyé. Nous penserons à vous le jour de votre anniversaire et à travers la distance qui nous sépare nous vous envoyons nos souhaits les plus affectueux pour beaucoup de santé, bonheur et entrain afin que vous puissiez jouir pleinement toutes les bonnes choses que la vie peut offrir.

Cordiales salutations,

Heber (1)

(1) Heber Cushing Peters est le cousin d'Errol Cushing. Il avait 63 ans quand il a rédigé cette lettre et parle d'un séjour à Barnston vers 1875. à l'âge de 8 ans.

Le Courant

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