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Le Courant

Automne 2010 | 12

Le chemin de fer à Coaticook

Carmen Perron

Ses débuts
1er Train 1853 à CoaticookLe 23 juillet 1853, le premier train de voyageurs entre en gare à Coaticook. 

Avant l’arrivée des chemins de fer au Canada, les moyens de transport étaient très réduits ; ils se résumaient au transport par les rivières ou par d’étroits chemins qui reliaient les petites localités et qui étaient dans un état précaire. Les Cantons-de-l’Est étaient nettement désavantagés dans leur croissance vu le peu de rivières navigables et le réseau routier déficient. Il faut se rappeler qu’on circulait en voiture à cheval sur des chemins de terre qui devenaient impraticables en période de pluie ou de dégel. À cette même époque, des hommes d’affaires et politiciens du Canada et des États-Unis étaient pris par la fièvre du chemin de fer. Ã€ leur avis, il devenait urgent pour les commerçants canadiens et américains de relier par chemin de fer la vallée du St-Laurent et l’Atlantique, soit Boston (Massachusetts) ou Portland (Maine). Dès le début du projet, une rivalité s’installa entre Boston et Portland. Afin de déterminer si le train venant de Montréal se rendrait à l’une de ces deux villes, une course spectaculaire fut organisée en 1847. Deux postillons à dos de cheval et chargés d’un courrier spécial devaient partir en même temps, l’un de Boston, l’autre de Portland, en direction de Montréal. Comme celui venant de Portland atteignit Montréal 12  heures avant l’autre, cette ville fut choisie sur le champ. Mais le train pouvait s’y rendre en passant par Stanstead ou par Coaticook. En 1842, il n’existait que deux chemins à Coaticook pour rejoindre « le monde » : l’un en direction de Barnston Corner et l’autre vers Compton. Richard Baldwin Jr avait compris que sa localité était privée de moyens de communication efficaces pour son développement et c’est lui qui, par son acharnement auprès des autorités du chemin de fer St. Lawrence and Atlantic Railroad, a prouvé que le chemin de fer devait passer par Coaticook, qui n’était même pas encore un village. C’est ainsi que les trains qui desservaient Coaticook étaient ceux de la ligne Montréal/Portland. La compagnie de chemin de fer St. Lawrence and Atlantic Railroad devint en 1859 la compagnie Grand Trunk Railway qui fut vendue au Canadien National en 1923 mais qui est redevenue la St.Lawrence and Atlantic Railroad en 1998.

L’essor de Coaticook
C’est ainsi que la décennie qui suivit l’arrivée du train en 1853 fut marquée par l’établissement de plusieurs nouvelles industries, commerces et résidences. D’abord, des centaines d’emplois furent créés pour la construction des voies ferrées, des ponts et des dépendances. L’agriculture a également profité de la présence du chemin de fer. Les cultivateurs ont fourni bêtes, légumes, céréales et autres denrées pour nourrir la main-d’oeuvre lors de la construction du chemin de fer. Ils ont aussi fourni le bois pour les traverses et comme combustible pour le train (jusque dans les années ’40), mais surtout, ils pouvaient enfin exporter leurs marchandises. Dans les années ’50, un train quotidien appelé « le train des canices à lait » ramassait le matin les bidons de lait et autres produits frais et les amenait vers Montréal. Ces bidons étaient ramenés aux cultivateurs par le train du soir. Beaucoup d’animaux voyageaient aussi par train. Ces derniers étaient arrêtés et placés dans des enclos près de la gare où ils étaient inspectés avant de passer les frontières ou vendus dans la région. Un vétérinaire du ministère de l’Agriculture du Canada assurait cette tâche. Les animaux de boucherie et les chevaux transportés par train pouvaient venir des Etats-Unis ou de l’Ouest canadien pour être vendus à Coaticook. La compagnie de chemin de fer assuma aussi un rôle éducatif pour les cultivateurs. Vers 1930, un train spécial est en opération dans la région de Coaticook : « the Soil Improvement Quebec Train ».  Des spécialistes voyageant à bord du train tentent de démontrer aux cultivateurs l’urgence de fertiliser les sols par l’application de chaux et autres produits. De plus, ils peuvent faire analyser gratuitement un échantillon de leur sol. Pour effectuer ces analyses, le train s’arrête à la gare de Coaticook l’avant-midi et l’après-midi à celle de Compton pour une durée de trois semaines. Ce service était à l’époque une première au Québec, on l’appelait le « Farmers’ Train ». Jusque vers les années 1980, on exportait également par train des arbres de Noël vers New York, Boston et d’autres grands centres. Une quarantaine de wagons étaient remplis, ce qui représentait près de cent mille sapins et épinettes. Grâce à cet essor économique, seulement 11 ans plus tard, soit le 1er janvier 1864, le territoire de Coaticook fut détaché du canton de Barnston pour former le village de Coaticook qui comptait alors 700 habitants. En 1931, le service fédéral de la statistique classait Coaticook comme la ville du centre du Québec où se faisait le chiffre d’affaires le plus considérable proportionnellement à sa population. Coaticook comptait alors 25 industries dans les secteurs du textile, des meubles et des jouets, en plus des commerces dans tous les secteurs de services, une agriculture diversifiée et finalement une population d’environ 4000 âmes.


Les déplacements
Jusqu’aux années 1950, le train était le principal moyen de transport pour la population. Dès 1860, on pouvait voyager par train de Montréal à Portland en passant par St-Hyacinthe, Richmond, Windsor, Sherbrooke et Coaticook. En 1875, il y a donc 135 ans, le voyage entre Coaticook et Montréal s’effectuait en 5 heures et en une heure de Coaticook à Sherbrooke. En 1948, on retrouve deux trains quotidiens dans chaque direction (Montréal- Portland, Maine). Le dimanche, un train fait la liaison Montréal/Coaticook aller- retour. Le train local qui faisait la navette vers Sherbrooke était appelé le « Scoot ». En 1965, le train de Portland ne roulant plus que les samedis de juillet et août, on instaure un train quotidien de Montréal à Coaticook sauf le dimanche. En 1967, on ajoute un train le dimanche. En 1969, on met fin au service régulier Montréal/Coaticook pour réduire le service entre Montréal et Sherbrooke.Toutefois, le Canadien National  maintient un service spécial pour Coaticook. Ainsi en janvier 1970, l’autorail quitte Montréal le vendredi et après Sherbrooke, poursuit sa route et s’arrête aux gares de Lennoxville, Waterville, Compton et Coaticook et un train fait le retour le vendredi soir de Coaticook à Sherbrooke. Sur l’horaire de Via Rail, ce train spécial est toujours en fonction en 1976-1977 mais il ne figure plus sur l’horaire commençant le 30 avril 1978. Il appert donc que le dernier train de passagers aurait circulé à Coaticook à la fin avril 1978.
Tarifs :  Selon le journal de Coaticook, l’Étoile de l’Est de 1941, on annonce les billets de   train aux prix suivants :

Coaticook/Sherbrooke aller-retour : 0,55 cents                                                        Coaticook/Montréal aller-retour :    3,25$
Coaticook/Québec aller-retour :     3,65$
Excursions dans l’Ouest Canadien de Coaticook à Vancouver aller-retour : 67,05$ et avec      wagon-lit : 81,90$

Entre 1945 et 1955, Coaticook était un point de transit important pour les bûcherons qui allaient travailler aux États-Unis. Ils venaient de toutes les régions du Québec, passaient au bureau sélectif du fédéral qui était installé dans la ville et allaient aux États-Unis pour bûcher. Il va sans dire que tout ce beau monde allait dans les hôtels pour se détendre à leur retour et cela créait beaucoup d’activités à la gare et dans les rues. La douane était localisée à Coaticook puisque c’était la gare la plus proche des frontières américaines. Le douanier vérifiait sur place la marchandise et l’identité des voyageurs. Un cachot était aménagé à l’intérieur de la gare au cas où un suspect serait identifié. Les employés de train rapportaient toutes les nouvelles entendues pendant le voyage, ce qui plaisait aux citoyens. Coaticook a bénéficié d’un service postal grandement amélioré car le courrier était acheminé par train et le Canadien National installa des télégraphes dans les gares.  M. Denis Grégoire fut le dernier chef de gare à Coaticook (jusqu’en mai 1981).


Des faits marquants
Dans les années ’30, le célèbre cirque Barnum and Bailey qui était transporté par train, avait l’habitude de s’arrêter à Coaticook pour faire reposer les animaux. Environ 125 chars d’animaux s’arrêtaient à la gare et on en faisait descendre quelques-uns. C’est alors que les citoyens de Coaticook avaient droit à un spectacle tout à fait insolite. Les éléphants, girafes et autres animaux de cirque descendaient la rue Main pour aller boire à la rivière. C’était une occasion de fête exceptionnelle et fascinante pour tous. L’affaire Harry Thaw  mit Coaticook sur la première page des journaux du monde entier pendant quelques semaines. Harry Thaw, un jeune millionnaire de New York, fut arrêté un soir de juin 1906 au Madison Square Garden de New York pour le meurtre de Sandford White qui avait séduit l’amie de cÅ“ur de Thaw. Après deux procès, Thaw fut déclaré aliéné et interné dans un asile pour malades criminels. Thaw s’enfuit au Canada et s’arrêta dans un hôtel de St-Herménégilde où il fut reconnu par l’hôtelier et dénoncé. Il fut enfermé dans une cellule dans la cave de l’hôtel de ville. La population de Coaticook prit finalement parti pour Thaw qu’elle considérait comme un pauvre innocent persécuté. Pour rendre son séjour moins triste en sol québécois, les musiciens de la fanfare de Coaticook sont allés le divertir en lui offrant une sérénade à la fenêtre de sa prison.Toute cette histoire fit la une des journaux qui envoyèrent des journalistes ici en plus des avocats, procureurs, canadiens et américains, des curieux qui vinrent à Coaticook pour suivre l’histoire. La plupart logèrent dans des hôtels de Coaticook, même lorsque le prisonnier fut transféré à Sherbrooke car ils pouvaient facilement voyager d’un endroit à l’autre par train. Le prisonnier fut finalement déporté aux États-Unis après plusieurs semaines et fut interné dans une maison de santé.


Les guerres

Au début du XX siècle, les canadiens sont en proie à la « folie du rail ». Le gouvernement de Wilfrid Laurier distribue prêts et subventions pour encourager la construction de toujours plus de lignes de chemins de fer. Les compagnies reçoivent aussi des capitaux d’Angleterre mais l’éclatement de la première guerre prive les compagnies de chemins de fer des capitaux étrangers, notamment ceux de l’Angleterre qui devait soutenir son armée. De leur côté, les compagnies de chemin de fer devaient remplir leur devoir « patriotique » en transportant à peu de frais hommes et marchandises vers la côte Est. C’est le début de l’endettement des compagnies. Le même scénario se reproduit à la seconde guerre mondiale : les convois militaires étant prioritaires, l’horaire des trains de voyageurs est perturbé. La population de Coaticook a vu passer des trains de troupes ou de marchandises militaires sans toutefois pouvoir les identifier clairement. Certaines usines se sont converties dans la production de matériel de guerre. C’est le cas de l’usine Norton de Coaticook qui fabriquait des « crics » pour chemin de fer et qui s’est mise à produire des obus qu’on expédiait par train. Après la guerre, la « flotte » du Canadien National est vieillissante, faute d’entretien. Pendant la guerre, les compagnies de chemin de fer ne pouvaient plus acheter de matériel roulant car on n’en construisait plus, l’acier étant réservé à l’effort de guerre. De plus, les chemins de fer allaient être confrontés à l’avènement des véhicules motorisés, du transport aérien et de l’amélioration et la construction de nouvelles routes. C’est le début du déclin graduel du transport par train. Comme les marchandises étaient de plus en plus transportées par camion, le Canadien National a également abandonné graduellement le transport de marchandises. 


Les vestiges de l’époque du chemin de fer
La première gare était située dans le même secteur mais du côté Ouest de la voie ferrée.  Ã€ l’exception de la voie ferrée qui est encore utilisée par les trains de marchandises de passage seulement en direction des États-Unis, la deuxième gare construite en 1904 à l’Est du chemin de fer par le Grand Trunk Railway nous témoigne encore du passé. On y retrouvait une tour à eau.  Ayant perdu son statut officiel de gare en 1980, la Ville de Coaticook l’a acquise en 1988 pour la somme de 1,00$ du Canadien National et l’a mise à la disposition du club Aramis qui a financé sa rénovation en respectant ses caractéristiques architecturales. Par la suite, elle a abrité le SPA Menthe Fraîcheur et dans le moment, elle est inoccupée. La ville de Coaticook l’a citée monument historique en 1999. Espérons que la gare sera là encore longtemps pour rappeler l’histoire aux générations futures.

Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire des trains au Québec, allez sur le site Internet de l’Institut de recherche sur l’histoire des chemins de fer au Québec :  www.irhcfq.org

 


La Gare de Coaticook



Sources: -  L’Impact du Chemin de Fer sur Coaticook  - septembre 1991 par le Groupe Viau

               - Canadian National Railways Time Table Employee no 16 taking effect at 12.01       AM Sunday June 20th 1948. Détails d’opérations sur la subdivision de Sherbrooke.

 

 

Le Courant

Le Courant est publié par la Société une fois par année. Membres de la société, historiens professionnels et amateurs partagent avec les lecteurs le fruit de leurs recherches. Les textes sont disponibles en français et en anglais. La publication de cette revue est rendue possible grâce au soutien de commanditaires locaux que nous remercions avec toute notre gratitude.


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